encore un effort pour se convertir au
Le prix élevé, sans abonnement, du nouveau smartphone coloré de la
firme soulève des interrogations sur la stratégie commerciale d'Apple
et ses chances de réussite dans les marchés émergents.
C'est la question qui s'impose une
fois révélé le prix de vente sans abonnement et donc sans subvention
d'opérateur, du nouvel iPhone 5C d'Apple,
censé s'adresser à un plus large public. C pour « cheap » ironisaient
certains avant l'annonce, en référence au plastique de la coque, dans le
sens de piètre qualité, mais pas dans le sens de peu cher : 599 euros
pour le premier modèle de 16 Go, c'est loin d'être abordable. C'est la
grille de prix auparavant pratiquée par Apple pour son appareil de
génération précédente à chaque nouvelle sortie.
La firme de Cupertino a d'abord annoncé mardi soir seul le prix avec
un forfait et un engagement de 24 mois, soit 99 dollars. On ignore
encore les tarifs exacts qui seront pratiqués en France, prix facial et
abonnements mensuels associés (30, 40 ou 50 euros pour ne payer que 99
ou 199 euros ?). Les opérateurs joueront-ils le jeu en subventionnant
massivement le nouvel appareil ? Le montant important à débourser à
l'achat sera un frein pour percer chez les jeunes, souvent adeptes des
cartes prépayées - ce qui est moins le cas en France où les forfaits,
avec ou sans engagement, se sont généralisés - et bien sûr dans les
marchés émergents, Chine en tête.
Le choix de la rentabilité au détriment de la croissance
Les dirigeants d'Apple n'avaient jamais eux-mêmes parlé d'attaquer le
marché low-cost (dans les 100 à 150 dollars), qui ne correspond pas au
positionnement haut de gamme de la marque. Pour autant, ce prix de 549
dollars (hors taxe) est bien supérieur aux estimations des analystes qui
attendaient plutôt entre 300 et 400 dollars. Même l'excellent
spécialiste d'Asymco, Horace Dediu, prédisait plutôt 500 dollars, en se
calant sur l'évolution des prix de chaque génération d'iPhone et d'iPad
(voir son étude du 12 août baptisée « quel sera le prix de l'iPhone 5S et de l'iPhone 5C ? »).
« A ce prix-là, l'iPhone 5C est un appareil milieu de gamme, qui
ne va pas significativement élargir le marché auquel Apple s'adresse
déjà, en direction des consommateurs à petit budget Son arrivée ne va
pas déclencher une forte hausse des ventes au second semestre »
considère Francis Sideco, du cabinet IHS. Clairement, la firme de
Cupertino a privilégié sa marge, se refusant à la sacrifier pour
relancer la croissance. Ce qui ne rassure pas forcément les marchés. Les
analystes d'UBS ont ainsi dégradé leur opinion d'achat à neutre,
considérant que « la stratégie de prix d'Apple va être un frein pour
être compétitif sur certaines zones clés de croissance du marché des
smartphones, en particulier la Chine. » L'action Apple perd d'ailleurs près de 5% ce mercredi au lendemain de la présentation.
Le C pour couleur, « cheap » ou coûteux ?
Sur le Twitter chinois, Weibo, les plaisanteries fusent sur « le C
qui signifie en fait coûteux ! » L'iPhone coloré sera en effet vendu
plus deux fois plus cher que le dernier modèle du constructeur chinois
Xiaomi, à savoir le M3 commercialisé à 1.999 yuan (contre 4488 yuan pour
le 5C.) qui est devant Apple en part de marché. Toutefois, Apple
devrait continuer de vendre en Chine l'iPhone 4 à un prix beaucoup plus
accessible (2.588 yuan). La firme californienne n'a toujours pas annoncé
d'accord avec le géant China Mobile, qui lui donnerait accès à plus de 140 millions d'abonnés à la 3G (et 745 millions de clients)…
Dans les pays matures aussi, l'iPhone 5C ne se positionne pas comme
un produit « mass market » : sans abonnement, il sera vendu plus du
double du prix de vente moyen d'un smartphone sous Android aux
Etats-Unis (autour de 250 dollars) ou par exemple du Nexus 4, le dernier
téléphone de Google
signé LG (249 euros dans la version de 16 Go comparable). Tout ça pour
du plastique, ironisent de nombreux détracteurs de la pomme.
Cependant, un opérateur français est convaincu que « cet iPhone 5C, qui est en réalité beaucoup moins cheap qu'il n'y paraît, va très bien se vendre, notamment auprès des jeunes. »
Le nouveau smartphone, qui sera bien 4G en France, devrait plutôt
coûter entre 149 et 199 euros avec un abonnement cœur de gamme (39
euros) au lancement, avant les promos de Noël, le prix d'appel de 99
euros étant sans doute réservé aux forfaits élevés (69 euros).
Eviter la cannibalisation et la banalisation
Fondamentalement, Apple n'a donc pas modifié sa stratégie de prix. Mais « c'est
la première fois qu'Apple lance un appareil au nouveau design pour le
segment de marché milieu de gamme, plutôt que d'abaisser le prix d'un
ancien modèle, ce qui devrait limiter les risques de cannibalisation », observe Ian Fogg, expert du cabinet IHS. Plus complémentaire du modèle haut de gamme 5S, l'iPhone 5C permettra à Apple de « mieux rivaliser avec ses équivalents chez Nokia, Samsung et HTC », estime Ronan de Ronesse, analyste chez Ovum. Et ce en évitant de banaliser son smartphone.
Une stratégie radicalement différente de celle de Samsung, qui a
décliné en multiples versions, dont des « mini », sa gamme Galaxy S.
Visiblement, la firme américaine considère que son iPhone n'en est pas
encore à l'étape du « shuffle », le modèle le plus basique et le moins
cher de l'iPod. Benedict Evans, analyste chez Enders, tente une
analogie : « Apple commercialise des berlines comme la BMW 5 et la série 7 mais pas encore de Mercedes classe A. »
Enrichi d'applications gratuites, à la Google
Plutôt que de se résoudre à trop de compromis sur un modèle d'entrée
de gamme, Apple a aussi préféré enrichir l'iPhone 5C (et l'iPhone 5S)
d'une batterie d'applications « maison » utiles préembarquées
gratuitement, « à la Google », notamment toute sa suite iWork (le
traitement de texte Pages, le logiciel de tableurs Numbers, celui de
présentation Keynote), ainsi que son programme d'édition de vidéo iMovie
et celui de retouche et de partage de photos iPhoto. Soit l'équivalent
de près de 40 euros d'applications, habituellement payantes. Un défi à
Microsoft Office, voire à Google Docs. C'est aussi une façon de
conserver encore davantage les utilisateurs de ses appareils dans son
univers fermé et de les faire adhérer à iCloud, son service de stockage à
distance. Une autre grande bataille en perspective.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire