lundi 16 décembre 2013

Manager vos collaborateurs à distance

http://www.usinenouvelle.com/article/manager-vos-collaborateurs-a-distance.N213172

Manager vos collaborateurs
à distance

Par http://www.usinenouvelle.com Anne-Sophie Bellaiche - le 31 octobre 2013



Longtemps obnubilées par le contrôle du travail à distance des collaborateurs, les entreprises ont oublié qu’ils avaient avant tout besoin d’être managés. Ce qui demande certaines compétences. Salariés épuisés par les transports, équipes mondialisées, volonté d’être au plus près du terrain, développement de technologies de communication performantes… Les raisons qui poussent à travailler loin de son chef (chez soi ou sur d’autres sites) ne manquent pas. En 2013, au moins sept grandes entreprises (Axa, Veolia, Orange, Thales, La Poste, Bouygues Telecom et Air liquide) ont signé ou révisé leurs accords de télétravail. Qu’ont-ils de plus que celui signé, en 2007, par Renault, alors pionnier Ils s’intéressent à un grand oublié : le manager. Car si les premiers accords s’appesantissaient sur les modalités de contrôle du télétravailleur ou sur la conformité de son installation électrique, bien peu se penchaient sur celui qui met en musique le télétravail. Il faut pourtant être deux pour danser le tango. "Les directions ont désormais pris conscience que le management à distance n’est pas une compétence innée, qu’il faut comprendre sa spécificité", remarque Annette Chazoule, la directrice des formations à la Cegos. Pour preuve, Bouygues Telecom, Veolia ou Schneider, qui ont signé une charte ou un accord en 2013, indiquent, comme condition "préalable à la mise en œuvre du télétravail", le passage par la case formation du salarié concerné… et de son manager. Ceux qui se sont formés sur le tas ne démentiront pas l’intérêt de l’initiative. "La souplesse accordée au salarié à distance requiert, à l’inverse, une grande discipline de la part du manager", estime Martial Fedeli, directeur d’affaires du secteur public chez IBM France. Travailleur nomade, il a longtemps dirigé des équipes à distance. Selon lui, il faut cadrer l’activité en amont et gérer les plages de communication avec une grande rigueur. "Qu’il s’agisse d’une réunion téléphonique avec plusieurs collaborateurs ou un seul, on ne peut pas se permettre d’avoir ne serait-ce que 5 ou 10 minutes de retard." Pourquoi Parce que de l’autre côté, les salariés développent leur propre organisation. Le rapide coup d’œil dans l’open space pour vérifier que chacun a terminé son café, sa manipulation Excel ou sa négociation tendue avec un client n’est plus opérant.

Écouter et anticiper
Une fois ce prérequis posé, il ne faut pas non plus confondre autonomie et totale indépendance. "Il faut non seulement organiser son management, mais encore bien afficher les règles du jeu à ses collaborateurs. C’est sécurisant pour tout le monde", affirme Annette Chazoule. Ainsi, Valérie Marillat, directrice technique chez Global Approach Consulting, un cabinet de conseil en fiscalité, a instauré, pour les cinq chefs d’équipe qu’elle encadre, l’obligation d’un reporting d’activité qui doit tomber dans sa boîte mail tous les jeudis à midi. Un seul des responsables partage son bureau à Paris, les autres sont à Lille, Lyon et Toulouse. "Ces rapports d’activité hebdomadaires sont des éléments factuels auxquels je réponds par écrit s’ils nécessitent le même type de réponse, explique-t-elle. Et je ne passe pas plus de deux jours sans avoir chacun d’eux au téléphone." 
 « Il faut non seulement organiser son management, mais encore bien afficher les règles du jeu à ses collaborateurs. C’est sécurisant pour tout le monde. » Annette Chazoule, directrice des formations à la Cegos
Le mode de communication à utiliser demande aussi du discernement. La tentation est grande de dégainer l’e-mail à tout bout de champ, mais il faut le réserver aux informations. Dans les deux sens, d’ailleurs. Car une information poussée par le bas tranquillise le manager et évitera de sa part le trop-plein de démarches perçues comme intrusives. En revanche, dès que l’on est dans l’échange, dans la résolution de problème, il faut décrocher son téléphone, après s’être assuré de la disponibilité du collaborateur. Concentration et qualité d’écoute sont de rigueur lors de ces moments rares mais plus denses. Ne soyez pas trop présomptueux sur votre capacité à être "multitâches". Si vous triez vos e-mails pendant la conversation, votre collaborateur le percevra instantanément, sentira que vous n’êtes pas entièrement disponible et pourra en déduire qu’il est la cinquième roue du carrosse. Ce qui peut en démotiver plus d’un. De même, il faut savoir écouter les silences au téléphone ou les hésitations, qui sont autant de signes à décoder, et "ne pas hésiter à reformuler à la fin, quitte à être un peu directif", conseille Annette Chazoule. Pour les réunions à plusieurs, c’est encore plus complexe. "Je passe du temps à les préparer pour être moi-même synthétique, décider de l’ordre de passage des uns et des autres et m’assurer des thèmes pour que chacun ait bien l’occasion de s’exprimer", explique Martial Fedeli.

L’importance de la convivialité

Enfin, il faut savoir mettre de la convivialité. Valérie Marillat a imposé à son entreprise un abonnement à Skype premium. "C’est quand même plus agréable de se voir, explique-t-elle. Et une semaine sur deux je réunis tout le monde, si possible autour d’un déjeuner." La convivialité passe aussi par le temps passé dans l’entreprise et la possibilité laissée aux collaborateurs d’aménager à leur goût leur bureau. Véronique Torner, la cofondatrice d’Alter Way (services open source), en a fait l’expérience. "Quand nous avons lancé notre boîte, nous pensions que nous serions peut-être à 80% en télétravail et que nous pourrions avoir des bureaux partagés. Mais nous nous sommes vite rendu compte que même la génération Y, qui est très ouverte au télétravail, n’avait pas envie de le pratiquer tout le temps et qu’elle était très attachée au bureau physique. Il faut voir comme elle le customise !" Le travail à la maison n’empêche pas le cocooning au bureau. Dernier point sur lequel les managers doivent être particulièrement vigilants lorsqu’ils encadrent des salariés nomades : le surinvestissement. Contrairement aux craintes des employeurs, ce phénomène est bien plus courant que la procrastination qu’ils soupçonnent a priori. "Lorsque la notion de fin de journée est abolie, c’est dangereux. Le client apprécie la réactivité, certes, mais moi, j’ai eu des petits soucis avec ma femme", glisse Martial Fedeli. Gare au "always on" qui peut rendre indisponible un collaborateur "toujours disponible" !

Trois erreurs qui vous mèneront dans le mur

  • Inonder la messagerie. Dégainer les e-mails à tout bout de champ est un travers courant des managers qui veulent compenser le risque d’une coupure avec l’entreprise. Cela conduit au mieux à "l’infobésité", au pire à de graves incompréhensions lorsque les sujets abordés nécessitent une discussion.
  • Accorder moins d’attention au collaborateur en télétravail qu’aux autres. Loin des yeux, loin du cœur. Le salarié qui travaille chez lui gagne en général en productivité (entre 15 et 30% selon une étude Greenworking de 2012), mais il est soumis à un isolement plus grand. Il n’a pas de collègues ou de manager pour faire face à un problème, il faut donc l’inciter fortement à partager ses difficultés.
  • Convoquer à des réunions téléphoniques sans anticipation. Lorsque le manager n’est plus là pour cadencer le travail, le salarié prend la relève. Lui demander de l’autonomie, tout en interférant dans son organisation, le met dans une situation d’injonctions paradoxales.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...