vendredi 25 juillet 2014

Nucléaire : Alstom engage un bras de fer judiciaire avec EDF



Le Monde.fr le 08.01.2014 Par Jean-Michel Bezat
 
Le PDG d'Alstom, Patrick Kron, a l'habitude de se battre jusqu'au bout quand il nourrit quelques doutes sur la perte d'un gros marché. On l'avait vu en 2010, quand la société Eurostar (détenue à 55 % par la SNCF) lui avait préféré l'allemand Siemens pour le renouvellement de ses rames. On le vérifie aujourd'hui dans le contentieux qui, cette fois, l'oppose à EDF, un autre de ses clients historiques : la fabrication et l'installation de 58 moteurs diesel d'ultime secours (DUS) afin de renforcer la sûreté de chaque réacteur nucléaire du parc français. Un marché estimé à 1 milliard d'euros auquel s'ajoutera 1 milliard avec les travaux de génie civil et de raccordements. Le conglomérat de l'énergie et des transports a annoncé, mercredi 8 janvier, le dépôt fin décembre d'un recours devant le tribunal de grande instance de Nanterre (TGI), confirmant une information des Échos. Le 20 décembre 2013, EDF avait en effet rejeté l'offre qu'Alstom a faite avec le fabricant allemand de moteurs MAN pour des raisons de prix. « Nous voulons faire vérifier que la procédure a bien été suivie et que l'évaluation a été faite conformément aux règles annoncées lors de l'appel d'offres », précise une porte-parole d'Alstom. La justice doit se prononcer en référé le 23 janvier.

LE TEMPS PRESSE

Le groupe d'électricité poursuit ses discussions avec deux autres groupements de fournisseurs potentiels pour deux lots de DUS : Clemessy, filiale du groupe français de bâtiment et de travaux publics Eiffage, avec le motoriste belge ABC ; Westinghouse France, filiale du conglomérat japonais Toshiba, associé au fabricant américain de moteurs Fairbanks. Il est probable que chacun aura un lot, EDF ne souhaitant pas, pour sécuriser son plan de charges industriel, mettre tous ses œufs dans le même panier. Plus de 80 % des heures travaillées nécessaires à l'installation de ces moteurs de secours seront réalisées en France. Le temps presse pour EDF, qui doit équiper toutes ses tranches nucléaires d'ici fin 2018. Des équipements imposés par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) après l'accident de la centrale japonaise de Fukushima en avril 2011. En cas de panne ou de noyade des moteurs existants, ils devront assurer la poursuite de l'alimentation électrique des systèmes de refroidissement du cœur des réacteurs. C'est cette barrière de sécurité qui avait cruellement manqué à Fukushima, provoquant la fonte du cœur de certains réacteurs, l'explosion d'hydrogène et le rejet d'éléments radioactifs dans l'atmosphère. Ces moteurs de secours font partie d'un programme d'équipement plus vaste prévoyant aussi la mise en place d'une force nucléaire d'action rapide mobilisable dans les 24 heures, de 19 salles « bunkerisées » (une par centrale) pour gérer une crise et piloter à distance les installations accidentées, de réserves d'eau supplémentaires à proximité des réacteurs...

GONFLER SON CARNET DE COMMANDES

Des investissements « post-Fukushima » qu'EDF a évalués à 10 milliards d'euros. Alstom était-il le mieux disant, comme l'affirme une source syndicale non-identifiée citée par Les Echos ? Visiblement non, selon une source proche du dossier. Une chose est sûre, le groupe de M. Kron cherche à gonfler son carnet de commandes. Plus dépendant de la commande publique et moins diversifié que ses principaux concurrents Général Electric et Siemens, et donc plus vulnérable en période de basses eaux économiques, il est à la peine. Entre mars et septembre 2013 (exercice décalé), son bénéfice net a reculé de 3 % (à 375 millions d'euros) et ses commandes de 22 % par rapport au premier semestre 2012. Ses dirigeants se battent donc bec et ongles sur un marché des grandes infrastructures d'énergie de plus en plus concurrentiel avec l'arrivée d'entreprises des pays émergents (Chine, Russie, Brésil, Inde...). Chez Alstom, on souligne néanmoins que « les affaires et les partenariats en cours se poursuivent avec EDF », un de ses gros clients. Il lui fournit de nombreux gros équipements pour ses centrales thermiques, hydrauliques et nucléaires (turbines...), ainsi que ses réseaux électriques (transformateurs...). Les deux entreprises sont également associées, depuis janvier 2011, dans le secteur de l'éolien en mer, Alstom fournissant les mats, les pales et les turbines. En 2012, elles ont gagné l'appel d'offres pour trois sites en Manche et elles ont répondu ensemble, en décembre 2013, au deuxième appel d'offres lancé par le gouvernement pour l'installation de deux parcs supplémentaires (Le Tréport et Noirmoutier).

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