lundi 1 septembre 2014

Les "invisibles", ces salariés qui s'épanouissent dans l'ombre

Les "invisibles", ces salariés qui s'épanouissent dans l'ombre


http://www.lexpress.fr Par Alexia Eychenne le 21/08/2014

L'auteur américain David Zweig consacre un livre aux travailleurs très qualifiés qui se donnent corps et âme à leur métier sans en attendre de reconnaissance. Un contre-pied inspirant à l'ère de l'autopromotion.

Selon David Zweig, les salariés "invisibles" ont en commun de définir le succès professionnel par la satisfaction qu'apporte le travail en lui-même, et non l'attention extérieure qu'ils en tirent.

Anonyme dans l'ombre des grandes plumes, le "fact-checker" sait se faire oublier des lecteurs de la presse américaine: à côté de la signature de l'auteur, rien n'indique qu'il a pesé chaque mot, vérifié le moindre détail. Quand une star lance son parfum, elle s'en remet à un "nez" dont le nom n'apparaît pourtant jamais sur le flacon. Etl'ingénieur qui érige les plus grandes tours du monde s'éclipse derrière l'architecte. Tous exercent un métier "invisible" aux yeux du grand public et des clients, dont ils ne reçoivent aucunereconnaissance

Aucun n'en tire pourtant d'amertume. Leur motivation au travail est ailleurs, à lire l'enquête que le journaliste et auteur américainDavid Zweig consacre à ces salariés peu banals. Dans Invisibles. The power of anonymous work in an age of relentless self-promotion (Le pouvoir du travail anonyme à l'heure de l'autopromotion perpétuelle), il dresse le portrait d'une dizaine de personnes à des postes très qualifiés, indispensables aux organisations, qui ont pourtant choisi des métiers discrets. 

Comme les sportifs des disciplines méconnues, ils ont le goût de l'effort et du travail bien fait, sans en espérer de lauriers. "Même si nos noms ne sont jamais mis en avant, nous tirons une immense fierté du produit fini, d'avoir fait partie d'un processus", témoigne le relecteur d'un quotidien américain. Un technicien chargé d'entretenir les pianos des solistes d'un orchestre prestigieux confirme: "Je trouve ça beaucoup plus satisfaisant [que de jouer sur scène]. J'ai un plus grand contrôle sur le son. J'adore le côté 'artiste invisible' de mon métier." 

L'anti-"branding"

Au-delà de leurs histoires, David Zweig s'interroge sur le sens que ces salariés donnent à leur vie professionnelle, à une époque qui encense l'individualisme et encourage l'autopromotion. "Nous vivons une ère de la 'micro-célébrité' (...) où les individus deviennent des marques à promouvoir", écrit-il. Cette tendance influence le monde du travail. "Nous associons trop souvent lepouvoir et la responsabilité à la visibilité, déplore-t-il. Mais les 'invisibles' prouvent que les exercer dans l'ombre (...) peut aussi être stimulant et satisfaisant." 

Le travail des salariés invisibles n'est d'ailleurs souvent parfait que quand il devient indécelable par le public. C'est le cas du logisticien qui conçoit la signalisation pour guider les passagers à l'aéroport d'Atlanta, l'un des plus fréquentés au monde. Ou d'une interprète de l'ONU dont les mots se fondent dans ceux des diplomates pour donner l'illusion d'un dialogue en tête-à-tête. "On ne pense à nous que quand quelque chose tourne mal", résume un anesthésiste, que les patients ne félicitent jamais pour le succès d'une opération. 
D'autres ressorts du bonheur au travail

Mieux vaut être en paix avec son ego pour mener à bien ces carrières incognito. Mais selon David Zweig, les invisibles ont en commun de définir le succès professionnel par la satisfaction qu'apporte le travail en lui-même, et non l'attention extérieure qu'ils en reçoivent. Souvent méticuleux et concentrés, sans cesse en quête de progrès, ils prennent plaisir à s'immerger dans leurs tâches. L'interprète décrit son travail comme "un exercice musculaire" qui lui permet souvent d'atteindre "un sentimentd'euphorie". 

L'auteur invite ses lecteurs à s'inspirer de leur exemple pour chercher d'autres sources de bonheur au travail que la quête dereconnaissance. Travailler pour soi et non pour les autres offrirait une satisfaction plus profonde et moins aléatoire. "Les aspirations intrinsèques -comme satisfaire sa curiosité, apprendre ou concrétiser son potentiel sans récompense externe- procurent un plus grand bien-être", conclut un psychologue interviewé par David Zweig. Pour travailler heureux, travaillons cachés... 

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