dimanche 7 septembre 2014

Une altercation verbale avec son employeur est un accident du travail


Une altercation verbale avec son employeur est un accident du travail

Constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une atteinte corporelle.

Peuvent, également bénéficier de la prise en charge spécifique aux accidents du travail les personnes victimes d’agression ou ayant subi un choc émotionnel au temps et au lieu du travail et qui développent, à la suite des faits, des pathologies dues au stress post traumatique.

L’article L 411-1 du code de la sécurité sociale qui pose en principe que tout accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail quelle qu’en soit la cause est considéré comme accident du travail, institue une présomption d’imputabilité de l’accident du travail.

En l’espèce, la réalité d’une altercation verbale entre une salariée et son employeur, ayant pour origine un retard de la salariée au retour de sa pause déjeuné et survenue le 15 octobre 2009 vers 14 heures 10 soit au temps et au lieu du travail ne fait aucun doute.

Il est constant, également, que l’intéressée a été en situation d’arrêt de travail pour maladie le lendemain de cet incident ainsi qu’il résulte du certificat médical initial établi par le Docteur C. mentionnant notamment « un état anxio-dépressif sévère… stress,… émotionnelle, insomnies à mettre en parallèle avec une altercation sur le lieu du travail ».

Il ressort, en outre, de l’enquête administrative diligentée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie ainsi que de l’attestation établie le 12 décembre 2009, par Madame Julie R., les éléments suivants :

- s’agissant des faits litigieux, Madame L. a indiqué qu’à son retour de déjeuner à 14 heures 08, Monsieur M. s’était littéralement jeté sur elle pour lui reprocher son retard, ces faits s’étant déroulés dans l’open-space en présence du directeur général, d’autres salariés et de prestataires extérieurs et qu’elle s’est sentie humiliée par la violence verbale de ces reproches formulés en public, l’intéressée faisant état du ton méprisant employé par Monsieur M. ainsi que de ses ricanements hors de proportion avec les faits ; elle précise qu’elle s’est, ensuite, réfugiée dans son bureau où elle s’est effondrée en larmes et où elle a pleuré tout l’après-midi, Madame L. ajoutant qu’avant de quitter la société, elle a adressé à sa hiérarchie un mail qui est joint à la procédure et qui est relatif à l’incident de l’après-midi dans lequel elle exprimait son incompréhension.

- Monsieur M. a admis qu’il avait effectivement fait une remarque à Madame L. la voyant arriver en retard après le déjeuner et qu’au lieu de s’excuser courtoisement et donner des explications, cette dernière avait haussé le ton pour ameuter le personnel présent, ajoutant que quelque temps après, il avait essayé d’entamer le dialogue pour apaiser les tensions.

- Madame R., employée de la société de juillet 2008 à novembre 2009 en tant qu’adjointe au directeur technique a fait part de ce que Madame L. avait été victime d’une violente agression verbale de la part de Monsieur M. et ce sur un ton totalement injustifié par rapport à la situation, Madame R. précisant : « humilier publiquement une personne de telle façon, pour seulement 8 minutes de retard d’autant plus que cette personne arrive en avance tous les matins, cela m’a paru totalement disproportionné. Je me suis rendue dans le bureau de Madame L. pour voir comment elle se sentait. J’ai croisé Monsieur M. qui portait fièrement un sourire moqueur. Arrivée au bureau, j’ai trouvé Madame L. effondrée en sanglots. Je suis passée plusieurs fois dans son bureau au cours de l’après-midi et je l’ai trouvée à chaque fois complètement abattue. »

L’existence d’un choc émotionnel provoqué aux temps et lieu du travail à la suite des propos tenus par Monsieur M. et du ton violent, inutilement humiliant et inadapté employé par ce dernier est, donc, suffisamment établie, l’existence de cette lésion psychologique étant confirmée par le certificat médical susvisé établi dès le lendemain des faits.

Dès lors, en l’état d’un tel trouble de nature psychologique ainsi survenu aux temps et lieu du travail, Madame L. bénéficie de la présomption d’imputabilité au travail prévue par l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale de sorte qu’il appartient à l’employeur qui en conteste le caractère professionnel de rapporter la preuve que ce trouble n’a aucun lien avec le travail ce qui ne saurait résulter des seules affirmations de la société selon lesquelles les déclarations de Madame R. seraient de pure complaisance et de ce que « les problèmes de santé de la salariée proviendraient de son caractère fort, difficile et du conflit violent qu’elle vivait avec son ex-mari », les différents témoignages pour l’essentiel subjectifs et ne se rapportant à aucun fait matériellement vérifiable produits, à cet égard, par l’intimée étant en tout état de cause sans aucun lien direct avec le déroulement des faits survenus le 15 octobre 2009 et ne permettant nullement de retenir l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou d’une cause totalement étrangère et susceptible de renverser la présomption d’imputabilité précitée.

Cour d’appel de Toulouse, 28 mars 2014 n° 12/03495

Éric ROCHEBLAVE
Avocat au Barreau de Montpellier
Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

Blog de l’Actualité du Droit du travail

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