un vélo sans freins ni dérailleur
Il séduit les urbains branchés et commence à intriguer les géants de la distribution. Quand on part de bon matin, quand on part sur les chemins, ce n'est plus à bicyclette mais à fixie. Depuis que de pressés coursiers New-Yorkais s'en sont emparés dans les années 1980 pour dévaler les rues de Manhattan à fond les manettes (ou pas, justement), le vélo à pignon fixe, comme on l'appelle de ce côté-ci de l'Atlantique, fait de plus en plus d'émules dans les grandes villes d'Europe. En France, cet engin dépouillé de tout (dérailleur, vitesses, et même freins pour les puristes) a d'abord été adopté par les hipsters à la fin des années 2000. C'est à cette époque que Bicycle Store – l'un des trois magasins à pouvoir aujourd'hui se targuer d'avoir pignon sur rue à Paris en matière de fixie – a ouvert ses portes en 2008 dans le 11e arrondissement de la capitale. Un quartier qui, comme par hasard, grouille de jeunes urbains branchés. "Au début, on nous riait au nez quand on commandait des pièces de fixie à nos fournisseurs, se souvient Alexandre Billard, cofondateur de Bicycle Store. Depuis trois ans, ce n'est plus le cas." Reste à savoir pourquoi. Till Lafeuille, à qui l'on doit la naissance en 2012 de Smog Bicyclettes, l'un des rares fabricants français de vélos à pignon fixe, a bien sa petite idée : "Plus épuré qu'un vélo traditionnel, le fixie est aussi plus élégant". Ce serait donc à son design contemporain que cette bécane minimaliste, autrefois prisée des seuls pistards désireux de muscler leurs cuisses – le coureur doit pédaler sans interruption, y compris dans les virages et les descentes, sinon la roue arrière se bloque – doit son récent succès. Alexandre Billard confirme : "Le fixie a déringardisé le vélo : avant, quand on allait à un rencard, on planquait son vélo. Maintenant, on le montre." "Au début, on nous riait au nez quand on commandait des pièces de fixie à nos fournisseurs" Autre atout : sa légèreté. Un vélo à pignon fixe pèse en effet une dizaine de kilogrammes, soit près de deux fois moins qu'un Vélib'. Il est également facile à entretenir. "Pas de câbles, pas de vitesses... Comme on dit, moins il y a de pièces, moins il y a de problèmes", philosophe le patron de Smog Bicyclettes, loin de conseiller pour autant aux cyclistes du dimanche d'enfourcher ce genre d'engins. "Il faut être assez musclé pour parvenir à arrêter un fixie, met-il en garde. Le produit s'adresse à des gens qui ont déjà une certaine culture cycliste et qui sont à la recherche d'un vélo simple pour se déplacer au quotidien. Notre cible, c'est une population urbaine qui a entre deux et cinq kilomètres à parcourir pour se rendre au boulot." Le marché du vélo à pignon fixe reste donc un marché de niche.
Quelques adresses Bicycle Store Cyclope En selle Marcel Smog Bicyclettes
Chez B'twin, la marque de vélos vendue par Décathlon, on se dit malgré tout "en veille, car cette niche peut dériver vers une pratique sportive du vélo ville." Depuis un an, le géant européen de la distribution d'articles de sport s'est lancé dans les roues pour fixie, dont les ventes, qui représentent 20% des ventes totales de roues route, ne cessent d'augmenter. L'enseigne envisage même d'élargir son offre à d'autres composants de fixie. En revanche, ni elle ni Go Sport, sa principale concurrente, ne proposent de vélos complets. Depuis un an, Décathlon vend des roues pour fixie Et pour cause : le marché du fixie est principalement un marché de rééquipement. Till Lafeuille confirme : "Un vrai hipster dénichera un vieux cadre qui a une histoire dans une brocante ou chez son grand-père pour le retaper". Pour répondre à ce besoin de personnalisation, il offre donc à ses clients de configurer en ligne leur vélo via son interface marchande, lancée en mai 2013. Une stratégie qu'il avoue avoir piqué à la marque américaine Republic Bike et qui commence à porter ses fruits. "Depuis septembre, le site Internet marche plutôt bien", se réjouit l'entrepreneur. Ce début de succès ne lui permet toutefois pas d'ouvrir un commerce physique à Paris dans l'immédiat et l'oblige à conserver son emploi dans l'industrie automobile. Mais la ligne d'arrivée n'est peut-être pas si loin : Till Lafeuille a récemment été courtisé par des distributeurs qui, jusque-là, ne donnaient pas dans le fixie. Signe que le marché accélère ?
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