Réseaux sociaux professionnels : entre fantasme et réalité, il y a une urgence à chasser les démons franco-français
Soumis par IndiceRH le mar, 01/14/2014
Soumis par IndiceRH le mar, 01/14/2014
Par Didier Pitelet
A entendre tous les spécialistes du recrutement, les réseaux sociaux sont omniprésents dans leurs stratégies d’embauche ; on ne jure plus que par eux. Deux études passionnantes sont sorties presque simultanément, celle de Deloitte sur la collaboration sociale en Europe et celle réalisée par l’institut Harris Interactiv pour Viadéo et l’ACCE (Association des agences conseils en communication pour l’emploi). Toutes deux apportent un éclairage sur le grand décalage qui existe entre réalité perçue et réalité vécue.
La France de par ses syndromes de surveillance, de méfiance quasi génétiques est le bon dernier en Europe sur l’usage des réseaux sociaux dans l’entreprise : seuls 11% des salariés français ont recours à des outils sociaux pour collaborer contre 18% en moyenne en Europe ( Deloitte). Ces chiffres sont à mettre au regard des 21% de recruteurs qui les utilisent en France – ils sont seulement 26% à être membre d’un réseau social et 8% les utilisent pour recruter- alors même que ¼ des actifs et 2/3 des cadres sont en veille ou en recherche active selon l’enquête Viadéo/Acce.
La France est championne dans l’écriture de grands principes sur la transparence et la valorisation de l’information et de la non-discrimination ; il n’y a pas une grande entreprise qui n’ait sa charte et qui clame la confiance comme postulat de ses relations humaines. Mais dans les faits, là où le digital offre une liberté historique d’échange et de partage, il n’y a plus grand monde à OSER.
La sur-médiatisation, mais aussi le coté incontournable des réseaux sociaux dans la vie de tous les jours et les pratiques des mondes numériques placent les entreprises françaises devant leur déficit de confiance en matière de ressources humaines et de retard concernant les pratiques de recrutement.
En recrutement comme sur la plupart des sujets, l’entreprise est débordée, envahie par des interférences exogènes, elle, qui jusque-là s’estimait maître de son destin et aimait à croire qu’elle faisait la pluie et le beau temps.
Même si les choses bougent très vite, ces études démontrent à quel point il existe un fossé entre les usages privés et professionnels, entre les aspirations collaboratives personnelles et professionnelles (le mail reste pour 87% des salariés français le premier support d’échange selon Deloitte). 78% des actifs s’informent et prennent des contacts avec « les êtres humains de l’entreprise » (Viadéo/Acce) en se confrontant à la réalité vécue.
Les réseaux sociaux professionnels soulignent une fracture digitale multiple dans notre économie : fracture générationnelle, fracture hiérarchique, fracture technique…
Le débat sur l’usage ou non des réseaux sociaux en entreprise est avant tout celui de la culture digitale des organisations professionnelles. L’entreprise telle que nous la connaissons, pyramidale, top-down, matricielle dans certains cas est vouée à disparaître au profit d’organisations fluides, connectées, transversales. L’ère de « la pyramide inversée » s’ouvre à elle avec son lot de remise en question. La culture du changement, typiquement digitale, s’impose face au régime des certitudes et de l’hypocrisie des ressources humaines mues par une fidélité « kleenex ».
On entend partout dans un pays asphyxié comme la France, qu’il faut libérer les énergies, libérer les forces vives en écho à un Etat omni présent et impuissant et qui collectionne les dernières places en matière d’éducation et d’enseignement. Le parallèle est aisé entre l’appareil d’état et les organisations d’entreprises calées sur les mêmes mythes d’une toute puissance top down fondée sur le pouvoir artificiel des statuts et des fonctions. Les entreprises en France comme l’Entreprise France sont à la croisée des chemins qui impose humilité, clairvoyance et ambition !
Comme l’attestent ces deux études, les réseaux sociaux annoncent de manière caricaturale la fin de l’entreprise et du management traditionnels mais imposent d’urgence une révolution culturelle inédite dans le monde des institutions : être au rendez-vous des aspirations des Citoyens/Salariés et de leur mode de vie. La connaissance partagée, à l’instar des MOOC (Massive Online Open Courses) est à l’origine des nouveaux entrepreneurs et va insuffler l’esprit PME un peu partout.
La culture digitale n’est plus un sujet ; elle est devenue un fait, une évidence, même si cela est loin d’être le cas dans les organisations. Les réseaux sociaux en sont une face émergée qui a le mérite
d’accélérer les prises de conscience.
Derrière la pression de cette mutation s’ouvre le vaste domaine de la pensée et de l’action face au Vivre Ensemble censé distinguer telle ou telle entreprise. Les Citoyens/Salariés se sont dédouanés de toute subordination face à leur employeur dans leur vie digitale – dans le respect du droit pour la plupart- et font indirectement de cette liberté de parole un élément clé de la réputation de leur entreprise.
L’exemple des Google et autre Facebook qui occupent les premiers rangs des employeurs préférés auprès des étudiants français alors même qu’ils ne représentent pas grand-chose en matière
d’emplois en France en est une démonstration …
Le fantasme est déjà une réalité ; attention à ce qu’il ne devienne pas un cauchemar pour les entreprises qui refusent de la regarder en face et de considérer chaque salarié comme un enjeu de réputation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire