Sources, répercussions et remèdes
La «toxicité» du management peut engendrer un effet de contagion.
Le «management toxique» peut s’avérer néfaste pour l’organisation et peut engendrer des impacts négatifs sur les politiques des ressources humaines qui souvent prônent la valorisation du capital humain. D’autant plus qu’il est communément admis que la réussite durable d’une entreprise dépend d’abord de la qualité de ses ressources humaines. Le «management toxique» se réfère donc à des attitudes et comportements managériaux qui peuvent être néfastes pour les équipes de travail. Ces comportements peuvent se traduire, entre autres, par des propos vexants ou humiliants, du sabotage, du harcèlement ou encore par la dévalorisation du travail de l’autre. De ce fait la toxicité finit par démotiver, peut engendrer des maladies et risque de conduire au burnout, ce qui sur les moyen et long termes finit par nuire à la dynamique interne de l’organisation, à son image ainsi qu’à son fonctionnement et sa productivité générale.
Cette «toxicité» dans le management reste assez fréquente dans les entreprises et elle présente un réel effet de contagion créant parfois de la défiance, de la prudence ou encore de la méfiance. Ainsi l’ensemble de ces conséquences influe sur le bien-être et la performance des collaborateurs les plus vulnérables. Afin d’éviter ces attitudes (conscientes ou inconscientes) nuisibles aux collaborateurs et à la productivité de l’entreprise, un manager devrait, notamment, savoir prendre du recul face aux diverses situations auxquelles il peut être confronté et il devrait être en mesure de gérer ses émotions et ses attitudes.
Toutefois, il est important de préciser que le contexte économique caractérisé par un environnement fortement concurrentiel participe au développement du «management toxique», car les managers subissent une forte pression à caractère financier. Chose qui pousse, de manière consciente ou inconsciente, le manager à propager cette pression et à contaminer ses équipes.
Toujours est-il que le management toxique n’est pas une fatalité et qu’il existe des solutions permettant de le neutraliser.
Entretien avec Chantal Vander Vorst
«Le “management toxique” a la particularité de créer du stress aux personnes qui le subissent»
Le Matin emploi : pourriez-vous nous donner une définition du «management toxique» ?
Chantal Vander Vorst : Harcèlement, humiliations et vexations. Quand on parle de «management toxique», ce sont les premières images qui viennent à l’esprit. Rien d’étonnant, et c’est plutôt tant mieux, puisque ces mots résument la prise de conscience du problème du harcèlement par le public. Toutefois, limiter le «management toxique» au harcèlement serait réducteur. L’absence dans votre environnement de travail de despotes, qui déstabilisent leurs collaborateurs et pourrissent l’ambiance ne vous prémunit pas de toute souffrance morale ou psychologique. Qui ne s’est jamais senti blessé par une remarque de son patron, que ce dernier jugeait pourtant bénéfique ? Qui ne s’est jamais senti coincé par une tâche dont la responsabilité lui incombe… mais sur laquelle il n’a aucun pouvoir ? Qui n’a jamais été confronté à un manager insaisissable à qui on ne sait jamais très bien quoi dire sans qu’il ne s’énerve, ne se ferme ou ne coupe la conversation ?
Bien que moins agressives ou dénigrantes que dans le cadre du harcèlement, que plus compréhensibles et humaines (ou plus structurelles et désincarnées), ces situations génèrent aussi, dans le quotidien des personnes actives, l’apparition de stress, de démotivation, de dévalorisation, de découragement... Difficile de conserver intactes son envie et sa faculté de réaliser un travail de qualité alors que rien ni personne ne vient perturber la succession des missions impossibles, des relations tendues ou improductives, des critiques, du manque de reconnaissance, des process inefficaces...
Existe-t-il une typologie de ce type de management ?
Nous avons défini cinq types de «management toxique» :
• Le management façon «Mission impossible». Le collaborateur est mis en situation impossible, par exemple parce qu’il a des responsabilités sans moyens pour pouvoir les assumer, ou il n’a pas les compétences nécessaires, etc.
• Le management façon «antipathie». Dans ce type de «management toxique», il s’agit d’une incompatibilité de personnalités, deux personnalités extrêmement différentes, deux mondes qui se connaissent peu.
• Le management façon «4x4». Ici, il s’agit d’une personne que l’on nomme aussi «monstre sacré», qui a une personnalité très affirmée. Prenons un exemple, une personnalité compétiteur (selon modèle approche neurocognitive et comportementale), qui aime les défis, se surpasser et, en même temps, a appris que dans la vie il faut être fort.
Cette personne aura tendance à se lancer dans des projets, comme un 4x4, en oubliant un peu les autres.
• Le management façon «hyper». Le comportement hyper a toujours un objet, la personne pourra être hyper sur l’ambition, le perfectionnisme, l’efficacité… Ce comportement prend de la place et la tendance à mettre de la pression sur les autres. La personne est en permanence insatisfaite, a une sensation de «jamais» assez et un degré d’anxiété élevé.
• Le management façon «despote».
Le comportement despote se caractérise par un besoin de pouvoir, de mettre l’autre dans une posture intenable, en cherchant à obtenir, quels que soient les moyens.
Quelles sont, d’après vous, les différentes causes ou sources de la toxicité du management ?
Nous avons tous la possibilité d’être toxiques, car les sources de toxicité se trouvent à l’intérieur de notre cerveau. Le grand remède est d’en avoir conscience, et de cheminer avec humilité vers nous-mêmes.
Quelles seraient les répercussions d’un management toxique tant sur le manager que sur ses équipes ?
L’idée de se pencher sur le thème de management toxique nous est venue suite à une étude internationale sur le stress que nous avons menée.
Le management toxique a entre autres une particularité : celle de créer du stress aux personnes qui le subissent. Et un lien étroit a été mis en évidence entre l’augmentation du stress et la diminution de la performance.
Quelles sont les méthodes à utiliser pour diagnostiquer cette attitude ?
Chaque type de management toxique que nous avons décrit a ses particularités. Le grand indicateur est le niveau de stress des personnes. Un stress permanent, important, qui devrait inciter chacun à se questionner sur les causes : les causes individuelles, relationnelles et organisationnelles.
Existe-t-il des remèdes au management toxique ?
Si oui, lesquels ?
Une des premières choses à faire est de changer de regard : déconstruire nos préjugés au sujet de ces comportements difficiles, adoucir nos peurs.
Et ensuite, se mettre en projet : envisager la gestion de la toxicité comme faisant partie du projet, identifier les pistes, et actions à mettre en place. Parfois, il est nécessaire de se faire aider, accompagner et coacher.
Dans une organisation, que doit-on faire si l’on est confronté à un manager toxique ?
Une piste est de se questionner pour voir où on en est : a-t-on envie de continuer à travailler dans cet environnement ? Peut-on retrouver la motivation, diagnostiquer le ou les problèmes et renforcer son assertivité ?
Pourriez-vous nous exposer un cas réel de gestion du management toxique ?
Ces cas se produisent tous les jours dans toute organisation.
Un exemple : une personne que j’ai eue en coaching qui était en situation de management toxique. Nous avons établi un diagnostic pour :
• Identifier ses sources de difficultés dans la situation
• Identifier des outils pour y remédier, et leur mise en application pour se renforcer
• Identifier des types de management toxique, des stratégies pour y faire face, et une mise en application
• Établir un plan de projet afin que les solutions mises en place soient durables.
Quelques conseils
Face à un «manager toxique», il est important de garder son calme et sa sérénité afin d’éviter de tomber dans ses jeux psychologiques et ses jeux de pouvoir qui finissent par empoisonner le quotidien au sein de l’organisation et par engendrer des burn-out, des états de stress excessif, de l’animosité, de la démotivation … Ci-dessous quelques conseils à suivre pour normaliser la situation face à son manager :
- Rester calme et serein et ne pas participer aux jeux psychologiques
- Mettre de côté toute logique d’affrontement
- Favoriser l’échange intellectuel
- Faire preuve d’empathie
- Comprendre que les critiques ne sont pas dirigées
Toutefois un manager toxique peut devenir un bon leader, voici quelques pistes pouvant l’aider à améliorer ses comportements et ses attitudes face à ses équipes et ses collaborateurs :
- Eviter de donner que des retours que négatifs
- Ne pas exprimer de jugements de valeur
- Ne pas s’approprier les résultats de ses collaborateurs
- Echanger et partager avec les équipes et prendre leurs avis.
Pour mieux comprendre
Harcèlement, humiliations, vexations... Tels sont les premiers mots qui viennent à l’esprit quand on parle de «management toxique». Pourtant, il ne se limite pas au harcèlement. Un management devient toxique lorsqu’il place une personne dans l’incapacité de réaliser ses tâches et ses missions ou qu’il la soumet à une pression émotionnelle supplémentaire. En prenant appui sur les récentes découvertes en psychologie et en neurosciences, cet ouvrage élargit le spectre du management toxique à d’autres process moins spectaculaires, mais tout aussi nocifs et sources de stress. Conçu comme un parcours de selfcoaching, cet ouvrage propose de comprendre comment se mettent en place les comportements toxiques et de passer à l’action pour ne plus en être la cible. À l’aide de grilles de lecture et mises en situation, vous pourrez diagnostiquer la source organisationnelle, relationnelle ou individuelle du management toxique ; déculpabiliser et prendre du recul ; développer une stratégie d’action pour supprimer la cause ou réduire l’effet du management toxique et agir avec pragmatisme et professionnalisme pour faire évoluer votre situation
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